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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 11:04

pot-d-echappement.jpgLa France a enfin décidé de s’occuper du problème du diesel. Bonne nouvelle. J’entends les cris mais je le répète : bonne nouvelle. C’est qu’il ne faut pas confondre la fin et les moyens, et il n’est pas question ici de plébisciter le gouvernement lorsqu’il projette d’« équilibrer ses comptes », c’est-à-dire de payer aux banques les intérêts d’une dette dont il a lui-même créé les conditions d’existence, en se servant sur les pauvres moutons qui ne peuvent s’échapper et qui sont déjà les grands perdants d’un système mis en place au fil des ans par l’État lui-même.

Une explication d’abord :

Le diesel est l’un des produit du raffinage du pétrole. À la sortie d’une raffinerie, on trouve des carburants pour le transport (essence, gazole, kérosène) mais aussi différents gaz, du mazout, du coke, de l’asphalte, de la paraffine, etc. Le gazole est aussi nommé gas-oil ou diesel, du nom de l’inventeur du moteur fonctionnant au gazole, Rudolf Diesel.

Des chiffres ensuite :

En France, la consommation par an de diesel c’est environ 39 milliards de litres contre 12 milliards de litres pour l’essence, ce qui place la France très loin devant la plupart des autres pays.

À la sortie de la raffinerie, le diesel coûte plus cher que l’essence. Et à l’achat, une voiture diesel peut coûter jusqu’à 20 % plus cher qu’une voiture essence. Bien que le rendement d’un moteur diesel soit supérieur à celui d’une voiture essence, et qu’un moteur diesel soit plus solide qu’un moteur essence, sur un marché automobile où le turnover est plus rapide que la vie moyenne des moteurs quels qu’ils soient – le véhicule aura des pannes provenant d’autres pièces avant la mort du moteur – l’avantage économique pour le particulier à investir dans une voiture roulant au diesel n’a rien de naturel. Pourtant, le parc automobile diesel en France, c’était 5 % en 1980 et 60 % en 2012. Pourcentage qui va en augmentant puisque aujourd’hui 70 % des nouvelles immatriculations concernent des véhicules diesel.

Par ailleurs, les sociétés de raffinage n’ont aucun intérêt à vendre plus de diesel que d’essence, pour une raison très simple : tous deux sont issus du même baril de pétrole, et en moyenne, ce baril va donner 20 % d’essence et 30 % de diesel. Puisque la France consomme environ 3,5 fois plus de diesel (39 milliards de litres) que d’essence (12 milliards de litres), les raffineries françaises vont devoir exporter leur production excédentaire d’essence, alors que l’on va par ailleurs devoir importer environ le tiers des besoins en gazole. Ce déséquilibre entre production et consommation intérieure va affecter la balance commerciale de la France, qui affichera en 2010 un déficit commercial de 9 milliards d’euros pour le gazole.

De plus, importer du pétrole brut pour le traiter en France, puis réexporter de l’essence raffinée et importer du gazole pour satisfaire à la demande intérieure, a contribué à la décision des raffineries de s’installer au plus près des sources de pétrole brut pour éviter ce va-et-vient inutile. Et donc à fermer les sites de raffinage français avec ce que cela veut dire en terme de perte d’emploi et de savoir-faire locaux.

D’autres chiffres enfin :

Le diesel, c’est moins de CO2 que l’essence, mais c’est aussi 50 fois plus de particules fines et la presque totalité des oxydes d’azote (NOX) libérés par la combustion des moteurs, car les pots catalytiques montés sur les voitures fonctionnant au gazole ne peuvent pas, pour des raisons techniques, éliminer les oxydes d’azote.

Aujourd’hui, la plupart des voitures diesel neuves sont équipées de filtres qui retiennent les plus grosses particules, mais les plus fines, celle qui pourront se loger le plus profondément dans le système respiratoire, ne le sont pas. Et elles sont responsables d’allergies, d’asthme, de bronchites chroniques, de problèmes cardio-vasculaires, etc. Elles sont également classées parmi les cancérogènes par l’OMS, induisant en particulier des cancers du poumon et de la vessie.

En Île-de-France, en 2011, Airparif a estimé qu’environ 3 millions de Franciliens étaient potentiellement exposés à des niveaux de pollution qui ne respectaient pas la réglementation, en particulier pour le dioxyde d’azote (NO2) et pour les particules fines.

En 2005, une étude réalisée dans le cadre du programme CAFE (Clean Air for Europe) estimait à près de 42 000 par an les décès en France à imputer aux particules fines. Lorsqu’on compare ce chiffre à celui des 4 000 morts par an dus aux accidents de la route, on réalise l’ampleur du problème. Mais autant il est facile de compter les morts par accident, autant il est difficile de le faire pour des morts « par statistique ». Ce sont des morts sans bruit et sans visages, et parce qu’il est difficile de les compter, ils ne comptent pas.

Pourquoi et comment en est-on donc arrivé là ?

Cette situation n’est pas le fait d’une contrainte technologique ou même économique : elle est le résultat de décisions politiques suivies d’une incapacité à prévoir les différentes conséquences de ces choix et d’un aveuglement, hélas récurrent ! aux problèmes de santé publique.

Après la guerre, seuls les camions et les tracteurs sont équipés d’un moteur diesel. Pour soutenir ces professionnels, le gouvernement détaxe le diesel. Dans les années 60, la France fait le choix du nucléaire, et petit à petit - parce que ça permet d’asseoir l’indépendance énergétique de la France, mais aussi parce qu’équiper une maison en radiateurs électriques, plutôt que d’un système de chauffage central complexe, permet de baisser le coût de la construction - la part du fioul domestique (qui fait partie de la même fraction de distillation du pétrole que le gazole) recule. Il fallait donc augmenter la part de véhicules roulant au diesel pour compenser la diminution de ce débouché pour la fraction fioul/gazole des raffineries françaises. On a alors incité l’industrie automobile à investir dans le moteur diesel en même temps que l’on conservait l’avantage fiscal du diesel pour tous les véhicules, y compris non professionnels. Aujourd’hui, cet avantage fiscal est d’environ 18 ct., la taxe pour l’essence étant de 60 ct./litre, celle du diesel de 42 ct./litre.

Loin de ne faire que compenser la perte de débouché pour la fraction gazole/fioul de la distillation du pétrole, ces diverses incitations ont projeté la France en tête du classement des pays les plus équipés en moteurs diesel, l’obligeant depuis plusieurs années à en importer pour satisfaire ses besoins. Gouverner, c’est prévoir, et il était facile de prévoir à quel moment le déséquilibre allait se faire. Mais nos gouvernements successifs n’ont rien vu venir, à tel point que, obnubilés par le CO2 et poussés par le nouveau marché de la taxe carbone, ils ont accordé aux voitures diesel des bonus écologiques qu’ils refusaient aux voitures à essence de puissance comparable. Ces bonus – pris dans la poche du contribuable puisque l’argent de l’État ne peut venir que de là – ont donc participé au déficit commercial de la France, à la délocalisation de l’industrie du raffinage, à l’empoisonnement de la population avec ce que cela veut dire en terme de souffrance humaine et de déficit des comptes sociaux.

Aujourd’hui, la Cour des comptes évalue la perte de recette fiscale à 6,9 milliards en 2011. Elle recommande donc « d’appliquer les engagement de la loi dite Grenelle 1 » sur les avantages fiscaux dont bénéficie le gazole. C’est-à-dire, d’augmenter la taxe sur le diesel, de 42 à 60 ct., surcoût que devra payer sans échappatoire possible – puisque le prix de la voiture diesel sur le marché de l’occasion se sera effondré – l’acheteur confiant à qui l’on avait vanté le retour rapide de la plus-value sur le prix à l’achat des voitures diesel.

Que la décision finale aille dans le sens d’une hausse de la taxe sur le diesel ou vers une quelconque prime à la casse sur les véhicules diesel, comme toujours ce sera aux contribuables de payer. Contribuables qui ont déjà payé de leur poche les « bonus écologiques » bien mal nommés, le déséquilibre commercial, les Assedic pour ceux qui ont perdu leurs emplois délocalisés, la Sécu pour les asthmatiques et les cancéreux, et de leur vie pour ceux qui sont maintenant au fond du trou.

 

Alors oui, le gouvernement a enfin décidé de s’occuper des problèmes dus au diesel, et c’est une bonne nouvelle. Mais cette décision n’est que le reflet des contraintes de l’UE, et il est malheureux de constater – une fois de plus ! – que ceux qui nous gouvernent n’ont pas eu d’eux-mêmes, et ce depuis longtemps, le souci de préserver la santé des Français, alors même que les intérêts purement économiques de la France allaient dans le même sens. En prenant conscience de cette gabegie, on ne peut qu’éprouver rage et amertume devant l’incurie de nos dirigeants, jamais responsables de rien, et qui ne savent que faire payer au peuple qu’ils méprisent le prix de leurs choix absurdes et parfois criminels.


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