Je suis tombée par hasard sur un reportage consacré à la vie de souffre-douleur d'un enfant surdoué de treize ans. Diplômé de Microsoft, G. suit des études normales dans un collège où il subit plus que de simples moqueries : on l'immobilise sous une chaise pendant qu'on dessine une croix gammée dans son dos, on le coince dans une poubelle, on maintient sa tête dans la cuvette des WC pendant qu'on tire la chasse d'eau, et il recevra même un jour un coup de cutter dans le dos qui déchirera sa veste... Sa veste : voilà, outre son intelligence supérieure, le corps du délit ! C'est que G. n'a pas le look des jeunes de son quartier qu'on devine populaire : il porte costume, chemise et cravate...
Je passerai outre le titre stupide donné à cette vidéo par celui qui l'a postée sur Dailymotion pour m'arrêter sur la réaction de la directrice du collège que notre ami a finalement quitté.
Extrait du reportage :
Pourquoi un tel acharnement ? Nous avons posé la question à la directrice du collège. Pour elle G. est en partie responsable, à cause de son look :
"Il a souffert de sa différence mais il n'a rien fait pour... heu... attendez... si vous connaissez des adolescents de treize, quatorze ans, chez moi ils arrivent en tennis, en basket, en sweat, hein, et je veux dire que... lui aussi il n'a pas fait d'efforts..."
Or donc nous y voilà ! Cette brave dame de l'Éducation Nationale, qui certainement comme la plupart de ses collègues encourage la diversité, la tolérance et le droit à la différence, arrête sa réflexion sur le Droit d'être Soi dès que celui-ci n'est plus le fait d'un phénotype ou d'une religion, mais provient d'un choix, de l'expression d'une identité qui n'est portée par aucun groupe en particulier, d'un individualisme qui doit lui paraître forcené. Et là, que nous dit-elle ? Elle nous dit que cet individu n'a rien fait pour gommer sa différence, qu'il aurait dû venir en basket et en sweat, qu'il n'a pas fait l'effort de se fondre dans la masse, de mélanger son moi à celui des autres en adoptant leurs tenues et leurs codes. En ne se dépouillant pas de ce qui est lui pour revêtir les guenilles des autres, il n'a pas opéré la mue salvatrice qui lui aurait permis, en se recouvrant des habits de l'in-différence, de passer inaperçu et ne pas être une victime. Il n'a, littéralement, pas voulu se défroquer. Elle nous dit que cet in-dividu qui a refusé de se diviser, telle la cellule qui perd une partie de son code génétique pendant la méiose pour pouvoir fusionner avec celui d'une autre, porte sa faute et mérite sa peine pour avoir voulu rester entièrement lui-même. En conservant cette enveloppe extérieure qui est plus qu'un simple apparat mais bien l'image de son moi, son moi tel qu'il est et tel qu'il voudrait être accepté, il a transgressé la loi du groupe. Ce moi, il n'a pas voulu le travestir, le recouvrir, le mélanger à du non-moi : en conservant son look, il a voulu imposer sa différence. Alors, en fin de compte et sans s'en rendre compte, que lui reproche donc cette brave directrice ? En un mot, de ne pas s'être métissé.
Un jour, cet antiracisme qui finalement n'aime pas la diversité atteindra le bout de sa logique et l'on entendra les bien-pensants fustiger les parents des trop blancs ou des trop noirs qui n'ont pas pensé pour le bien de leur progéniture à mêler dans le sang de leurs enfants un peu de l'Autre, afin qu'ils ne soient pas si ostensiblement le reflet d'eux-mêmes et si ostensiblement différents.
Le reportage :