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23 juin 2009 2 23 /06 /juin /2009 12:26

 

 

 

 

Le récente initiative visant à l'interdiction du port de la burqa dans l'espace publique pose une fois de plus la question de la frontière entre liberté individuelle et communautarisme. Les uns voyant dans cette interdiction une ingérence de l'État dans la sphère privée, les autres un rempart contre le communautarisme.

 

Si je décide de me promener avec un entonnoir sur la tête, 98% des personnes croisées penseront que je suis folle, 1% que j'ai fait un pari ou écopé d'un gage à la suite d'une quelconque fête étudiante, et 1% encore - les anciens lecteurs de Charlie Hebdo du temps où il était encore drôle et subversif - que je marque ainsi mon attachement à la secte des nostalgiques de Michel Debré. De même si un homme déambule avec la Google jacket, une grande majorité de passants vont se retourner se demandant si les martiens n'ont pas débarqué, quelques uns auront peur du mauvais coup que forcément prépare un homme qui se cache ainsi, et une petite poignée sauront qu'ils viennent de croiser là un adepte de la marque britannique Carter. L'habit ne fait pas le moine et pourtant chacun va analyser selon son propre schéma et ses propres connaissances l'accoutrement de celui qui sort de l'ordinaire. Certains y verront un choix personnel qui n'affirme rien d'autre que le désir de se montrer sous cette forme là, d'autres y verront la revendication à une appartenance identitaire, voire une provocation contre la république : leur apparence sera chargée de sens alors que d'autres ne le seront pas.

 

Alors, on peut se poser la question : être républicain est-ce forcer chacun à se fondre dans la foule ? Est-ce exiger une uniformisation qui gomme les différences par la crainte que telle ou telle particularité ne soit pas un choix individuel mais le signe d'une appartenance à un groupe ? Ce signe est-il incompatible avec l'idéal républicain, faisant ainsi de la Chine du costume Mao la meilleure des républiques ? Ou la diversité est-elle acceptable, mais à la seule condition d'être tellement multiple que chacun n'est plus qu'un pixel qui se fond et se confond dans la nuance résultante ? Est-elle acceptable qu'à la condition qu'elle ne représente rien, et dans le nombre et dans le sens ?

 

En cette époque de mise en avant de l'hédonisme, du culte du soi, des coaching en tous genres pour l'épanouissement personnel, où la nécessité la plus grande semble être sa propre réalisation, il est étonnant de voir ressurgir périodiquement ces soubresauts craintifs à destination de ceux-ci mais pas de ceux-là, comme s'il fallait soudain se prémunir d'on ne sait quelle fronde : soyez vous-mêmes, mais ne soyez que vous-mêmes, petits individus isolés et donc inoffensifs. Toute représentation d'appartenance à certains groupes devient dangereux : l'union fait la force, restez donc seuls. L'on sait bien pourtant que les membres des groupes les plus puissants ne s'affichent pas en tant que tels : avez-vous déjà vu les adeptes de certaines sociétés secrètes influentes sortir avec leur burqa ?

 

Il y a donc les communautés dont le pouvoir réside justement dans leur discrétion et dans la difficulté qu'il y a à y entrer. Et il y a les communautés dont on craint l'expansion par une trop grande visibilité qui ferait tache d'huile. Le problème n'est donc pas d'appartenir à une communauté, mais de le montrer : certains ne le veulent pas alors qu'il serait pourtant souhaitable au nom même de la république qu'ils le fassent, d'autres le veulent et en ont le droit, d'autres ne l'auront pas. Nous sommes dans le règne de la République hypocrite : on peut être mais il ne faut point paraître si ce paraître là ne sied pas à l'humeur ambiante. Montrer son appartenance à la communauté homosexuelle ce n'est pas du communautarisme et je suis d'accord avec cela. Pourtant voir des hommes qui s'embrassent dans la rue ça ne fait pas partie de nos traditions – voir un couple hétéro faire de même l'est à peine plus ! On nous a demandé de nous adapter, d'habituer nos yeux et nos esprits. Alors pourquoi ne nous demande-t-on pas la même chose pour la burqa ? Parce que le problème en vérité ce n'est pas le communautarisme. Le problème c'est qu'on veut nous faire accepter certaines orientations de notre société et nous en faire refuser d'autres. C'est qu'on veut bien malmener nos traditions à condition que ce soit pour aller dans un sens et pas dans un autre. Et ce sens ce n'est pas celui du respect de notre tradition « européenne, blanche et de tradition judéo-helleno-chrétienne ». C'est celle du grand mouvement vers l'accomplissement d'un monde libéral-libertaire qui ne sera régi que par la loi du marché, lui-même piloté par la publicité.

 

La République c'est la soumission de tous à une même loi. Encore faut-il que chacun y soit soumis de la même manière et qu'on ne fasse pas de lois particulières visant tel ou tel groupe parce qu'il dérange ceux qui ont le pouvoir de rédiger ces lois. Lutter contre le communautarisme ce n'est pas lutter contre les communautés : c'est refuser que des communautés soumettent les autres à leurs lois ou qu'elles s'extraient de la loi commune. Demander des horaires de non-mixité aux piscines municipales c'est imposer aux hommes de ne pouvoir s'y rendre alors que ces piscines sont publiques et donc par essence au service de tous. Mais porter une burqa ne contrevient à aucune loi commune, et il serait quand même bien loin de l'esprit républicain de créer une loi particulière pour certains au prétexte de lutter contre les communautarismes, c'est à dire de lutter contre ceux qui voudraient imposer aux autres des lois particulières !

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commentaires

R
Je vous en prie. Vous aurez noté qu’il n’y a pas en réalité de point dans l’adresse donnée, après « html ».<br /> <br /> Je viens de noter le débat qui vous a opposée aux défenseurs du sionisme « anti-colonialiste, democratique et laique », Juste, Equitable et Fraternel, rejoignant en cela les bonnes guerres de « libération nationale » qui disloquèrent notre Empire. A l’inverse, les autres nationalismes seraient voués à n’être que des vecteurs d’oppression des peuples à cause de leur aspect prétendument « expansionniste ». Et l’indigne auteur de ce jugement (et d’autres du même tonneau pour la clairvoyance et la mauvaise foi) de citer le nationalisme français comme l’exemple probant de ses analyses: « y inclus en France » (sic !). Là nous devons réduire quelque ambiguïté. <br /> <br /> Vous conviendrez qu’un nationalisme dépend d’abord, pour sa nature et ses développements, de la nation qu’il prétend défendre. Cette nation sera-t-elle une construction hiérarchique et concrète faite de la somme des souffrances consenties, des attachements acceptés et des héroïsmes manifestés, en bref des inégalités passées, le nationalisme qui lui sied ne sera que perpétuation et embellissement du patrimoine acquis dans un même esprit de sacrifice commun. Cette nation sera-t-elle l’idée fantasmée d’un peuple d’égaux aux ambitions messianiques, le nationalisme correspondant sera l’expansionnisme toujours inachevé qu’on poursuit au détriment des autres, qu’on dise vouloir leur bien ou non. La France, nation charnelle et enracinée, agrégation hétéroclite de peuples divers, est dans la première situation: le bien de la France est le bien du monde, elle est la protectrice des faibles face aux puissances hégémoniques. L’Allemagne est parfois de ces puissances, quand on ne la borne pas, tant par sa position au cœur en Europe, difficile à assurer sans de larges limes germaniques, que par sa composition ethnique homogène et ses mythes culturels. Il est un autre nationalisme que nous récusons car il poursuit ce rêve tristement égalitaire, c’est le nationalisme jacobin. Celui-là, par une fausse conception de l’amour et de la liberté, envoie Napoléon ravager l’Europe comme l’Amérique la Serbie, l’Irak et l’Afghanistan, demain l’Iran peut-être. Ce qu’on appelle les « guerres démocratiques ». Latins, nous sommes dépositaires d’un universalisme vrai qui s’accorde sans problème avec la nature de l’homme et ses fidélités terrestres, sans besoin de le changer, d‘en faire un homme fantasmé plus fort que « l’obscurantisme » et les hiérarchies en général. Ces chimères nous sont donc étrangères, et le soucis de réconcilier les différentes périodes de l’Histoire de France ne saurait aller jusqu’à réhabiliter des idées qui nous ont valu, nous valent et nous vaudront la mort lente de la France. Je peux m’expliquer en long, en large et en travers sur les impérities du système démocratique et républicain mais je ne crois pas qu’on puisse faire l’impasse dessus si l’on veut refaire de la France une puissance et du monde un pluriversum déglobalisé et dégagé de la toute-puissance yankee, comme vous ne penseriez pas passer sur la question sioniste pour régler les problèmes du Moyen-Orient, de la politique étrangère des pays occidentaux en général et de la politique arabe de la France en particulier, de l’énergie… En particulier, et s’il n’est pas idiot de penser qu’un tel exemple puisse vous toucher, je crois bien plutôt la République responsable la gestion imprudente et injuste des colonisation et décolonisation, que propre à résoudre en quelque manière que ce soit ces injustices et ces imprudences: déconsidération des peuples inférieurs jusqu‘en 62, regroupement familial d’iceux en ghettos dès 74, victimisation à partir des années 90, discrimination positive et désengagement du triple point de vue de la politique migratoire, des opérations de police et des condamnations pénales aujourd’hui, tout cela n’est que le fruit d’une politique électoraliste à court-terme de quinquennats juxtaposés, avec les voltefaces que permettent un large spectre politique artificiellement entretenu pour soutenir ce régime, régime qui vit avant toutes choses des contradictions qu’il suscite - puisqu’il faut motiver le vote populaire qui fonde la légitimité du pouvoir. C’est au propre la vacuité du politique qui ne remporte de victoires qu’au gré des hasards, quand la « nation souveraine » point encore trop aliénée se décide contre le pouvoir de l’argent (Chavez…). Ce jeu instable, qui ne marche plus en France, saurait-il vous satisfaire ? <br /> <br /> Sur le rapport entre idéologie et sentiments humains, il n’est que trop flagrant depuis que le capitalisme a su exploiter l’envie et l’appât du gain en les couvrant d’une caution philosophique (le libéralisme). C’est cette insupportable caution qu’apportent les idéologies, et particulièrement le sionisme aujourd’hui (le nazisme étant, disons-le franchement, assez mort, et donc hors de notre propos). D’où en effet la nécessité de doctrines qui aillent désormais dans l’autre sens et remettent les choses à l’endroit. Mais je me garderai bien de chercher à combattre « l’égoïsme » en tant que tel, que votre interlocuteur interprétait comme la source des enracinements éculés qui sont pourtant le ressort des vraies solidarités. Cet égoïsme-là qui voit son intérêt dans l’intérêt commun de sa cité est bon.<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Reinelde.
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R
Madame,<br /> J’ai trouvé en ces lieux des synthèses exemplaires sur des thèmes assez divers - par rapport au moment où vous avez commencé - mais qui ont tous en commun de donner une certaine définition de la Civilisation. C’est aussi la mienne, et j’adhère avec enthousiasme à la presque totalité des analyses données, non sans finesse, dans un langage clair pour ne rien gâcher: sur l’amour du prochain comme source de la justice et de la concorde sociales, l’honnêteté et le pardon comme uniques solutions au problème si moderne des mémoires vengeresses… Seule la reprise du vieux préjugé pro-galiléen m’ennuie un peu, dont vous vous servez (sans songer à mal) comme parangon de vertu: en réalité, cet astronome avait mis toute modestie de côté pour se mêler de théologie et imposer ses vues en la matière. Là est le vrai motif de sa (douce) condamnation. Veuillez à ce propos prendre connaissance de l’entrevue audio disponible à cette adresse, qui explique fort bien cela: http://angesetdemons.org/Audio-la-verite-sur-l-affaire.html. <br /> Au plaisir de vous lire encore longtemps j’espère, aussitôt que vous aurez repris !<br /> Cordialement,<br /> Reinelde.
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N
<br /> <br /> Merci beaucoup pour votre commentaire Reinelde ; il est vrai que l'été m'a un peu détournée de ce blog. Je vais m'y remettre, mais avant cela je vais suivre votre lien à propos de Galilée...<br /> Au plaisir de discuter avec vous,<br /> Anne<br /> <br /> <br /> <br />
T
Non, j'ai la prétention de pas me faire emmerder par des trépanés du bulbe ! Ici on est en France, pas en Saoudie ! Et que les intégristes de tous poils aillent croire en leurs fadaises débiles ailleurs !
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C
Je suis barbu, chrétien, nationaliste et c'est pas des "branleux" qui ne tolèrent que les femmes maquillées en mini jupes et les bœufs bissexuels qui leur servent de maris, qui vont faire la loi dans mon pays. Ma grand mère sort couverte, elle n'a de leçon à recevoir de personne, surtout quand c'est des purs produits de tf1 "lobotomisés" amateurs de "gay pride". Les usa sont à vomir, il y a longtemps que le trône d'Angleterre est un chiottes, mais mares des pseudos républicains et leur tolérance de pacotille. Vous élevez vos enfants devant des ordinateurs, la télé, vous abandonnez vos anciens dans des mouroirs collectifs et vous avez la prétention de faire la morale envers des femmes qui se soumettent à Dieu?
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T
L'espace public français n'a pas à être rongé par les communautarismes de tous poils. Nous ne sommes ni en Angleterre, ni aux USA, où chacun fait ce qu'il entend. Il y a des règles qui régissent l'espace public français, et ce n'est pas quelques barbus qui vont faire la loi.
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